Se pourrait-il que la 5G diminue l'électrosmog? - Pierre Dubochet

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Se pourrait-il que la 5G diminue l’électrosmog?

Certains promoteurs de la téléphonie mobile affirment haut et fort que la 5G va réduire l’électrosmog, trop souvent avec le soutien d’une partie de la presse, dont les journalistes sont peu regardants des réalités et de la complexité du sujet. La 5G promet d’augmenter le débit de téléchargement, d’augmenter le nombre de points de connexions, d’augmenter la puissance de nombreux émetteurs existants, d’augmenter le nombre d’équipements émetteurs mobiles et d’augmenter la périodicité des connexions. En une décennie (2010-2020), la téléphonie mobile a multiplié le volume de données transféré (et donc l’électrosmog) par 10. Alors, faut-il croire au miracle avec la 5G?
© Pierre Dubochet, ing. radio
toxicologie des RNI
conflit d'intérêts : aucun avec cet article
2 février 2022
Se pourrait-il que la 5G diminue l’électrosmog ?
Lecture : 8 min 40 | 2600 mots
Nous lisons souvent dans la presse que les signaux de la 5G ne seront envoyés que là où ils seront nécessaires, de sorte que le rayonnement va diminuer. Non. Le rayonnement envoyé «là où il est nécessaire» ne concerne que les antennes adaptatives dans la bande de 3,5 GHz.
Toutes les stations de base de téléphonie mobile émettent 24h sur 24 des radiations sur diverses fréquences, qui sont 700, 800, 900, 1’400, 1’800, 2’100 et 2’600 MHz. Les seules ondes émises «à la demande» concernent la bande de 3,5 GHz.
La 5G émet sur 700, 1400 MHz et 3,5 GHz. Les signaux sur les fréquences de 700 et 1400 MHz sont émis en permanence. Il n’existe aucun émetteur qui n’exploite que le 3,5 GHz. C’est donc un mensonge et une désinformation grossière que de prétendre que la 5G va faire diminuer les ondes grâce à l’envoi d’ondes ciblées.
LUS | lieu à utilisation sensible
  • les locaux situés à l’intérieur d’un bâtiment dans lesquels des personnes séjournent régulièrement durant une période prolongée;
  • les places de jeux publiques ou privées, définies dans un plan d’aménagement;
  • les parties de terrains non bâtis sur lesquelles des activités au sens ci-dessus sont permises.
[ORNI, art. 3, ch. 3]
L'augmentation des puissances
La communication vocale par 2G des années 1990 nécessitait un débit faible porté par l’onde d’une antenne de quelques dizaines de watts. Dans les lieux de vie (les «LUS», voir tableau ci-dessus) les plus exposés, les résidents se plaignent de symptômes neurologiques (les liens ouvrent de nouveaux onglets) avec des champs de 0,5 V/m ou moins. En dépit d’une étude suisse publiée en 1995 à laquelle l’OFEV –alors OFEFP– participe et qui montre un facteur de risque avec des ondes radio à 0,4 V/m, l’ORNI autorise une valeur limite à 5 V/m en l’an 2000.
En médecine environnementale, la valeur préventive indicative est 0,2 V/m de jour pour l’adulte en bonne santé; 0,06 V/m durant le sommeil et 0,02 V/m pour les sujets sensibles (respectivement 100 µWm2, 10 µWm2 et 1 µWm2).
En 2005, le transfert de données introduit par la 3G incite les opérateurs à un gain de puissance, en moyenne entre 300 et 800 W. Dans les LUS proches, le rayonnement se situe souvent entre 0,6 et 1,2 V/m —loin de la valeur limite de 5 V/m—, mais chez certains, il provoque divers symptômes neurologiques lors de l’exposition chronique de longue durée.
L’internet mobile rapide en 4G provoque une nouvelle hausse significative de l’électrosmog autour des antennes dès 2013. Dans les LUS autour des mâts, le rayonnement se hisse à plus de 4 V/m à une distance de 20 à 40 mètres et dépasse 2 V/m jusqu’à 70 voire 100 mètres. On considérait alors qu’au-delà de 250 mètres, une antenne avait peu de probabilités d’entraîner un risque d’atteinte.
Le transfert soutenu des connexions filaires vers le mobile oblige à renforcer constamment le réseau. À coup de 10 ou 15 kW et de mâts plus hauts, les antennes rayonnent bientôt plus de 4 V/m dans les intérieurs à 100 mètres de distance et encore 2,5 V/m à 200 mètres. L’intérêt d’un mât haut? Réduire le rayonnement dans la zone immédiate —d’où possibilité d’émettre plus fort— et augmenter la portée.
Bientôt, les LUS les plus exposés sont presque systématiquement ciblés par des prévisions de champ entre 4,9 et 4,99 V/m pour une limite de 5 V/m, comme le montrent les «Fiches de données spécifiques au site» déposées pour les mises à l’enquête.
La figure 1 ci-après nous montre cette transformation profonde de notre environnement en trente ans.
Figure 1. Evolution de la puissance des stations de base entre 1991 et 2021.
Les zones rurales visées par une élévation des rayonnements
Une station de base comporte généralement trois antennes dont chacune couvre un secteur de 120°, ce qui fait 360° en tout. La puissance de chaque secteur est indépendante. Dans une zone aux nombreux édifices, une considération technique protège une partie de la population sise autour d’un émetteur. C’est le large diagramme horizontal de rayonnement de l’antenne.
Dans un secteur, la maison située entre 20 et 80 mètres est généralement celle qui reçoit le plus de rayonnements, par exemple 4,95 V/m, spécialement si elle a plusieurs étages et si elle se trouve dans la direction principale de propagation (directement dans l’axe de l’antenne). Cette maison restreint la puissance maximale possible pour ce secteur. Ainsi, dans ce secteur considéré, les maisons plus éloignées reçoivent une onde physiquement diminuée par la distance.
Si vous habitez la «deuxième maison», vous recevez en principe moins de rayonnement que la première, et ainsi de suite (c’est une généralité, cela dépend des réglages de l’antenne et des diagrammes horizontaux et verticaux de rayonnement).

«Dans un secteur, la maison située entre 20 et 80 mètres est généralement celle qui reçoit le plus de rayonnements».

la population sensible
  • individus sous prescription médicale,
  • sujets intolérants aux rayonnements non ionisants («EHS»),
  • immunodéficients,
  • foetus,
  • enfants en croissance,
  • personnes âgées
[EUROPAEM 2016]
La 5G pointe le bout de son antenne
La 5G pointe le bout de son antenne en 2019. Toute mise à jour d’un émetteur en ville suscite une vague d’oppositions systématique. Les opérateurs visent donc les zones rurales. Ce qui les attire? Un site qui dispose de l’électricité (buvette, déchetterie, station de pompage...), dont le dégagement est grand et les premiers habitats suffisamment éloignés. La combinaison idéale pour mettre en service des émetteurs disproportionnés. Dans un secteur, la puissance s’élève d’autant plus que la première maison est éloignée, de 40 m, 80 m, 200 m. Elle reçoit assez systématiquement le maximum autorisé.
Et nous voyons Swisscom planifier des systèmes en zone rurale avec 150 kW! Une telle installation génère un champ à haute fréquence de 3 V/m dans la première maison à 500 mètres de distance. Vous avez bien lu: 3 V/m dans une maison à 500 mètres de l’antenne! Et plus de 2,2 V/m dans une autre maison à 700 m du mât. Une valeur «extrêmement significative» selon la médecine environnementale.
Ainsi est la téléphonie mobile en 2022.
Je n’ai vu aucune mise à jour d’émetteur de téléphonie mobile avec une réduction de puissance, dans toutes celles que j’ai vues. Aucune! Si l’opérateur peut gagner 50%, ou 30%, il en profite. Avec Swisscom, c’est comme si la question de l’utilité de cette débauche de puissance ne se posait pas. Le but est de s’approcher constamment de la valeur limite dans les bâtiments les plus exposés. Même si l’augmentation possible n’est que de 15% dans un village, le nouvel émetteur diffusera 1’000 ou 2’000 W de plus.
Nous ne pouvons que déplorer que des lieux de vie reçoivent un rayonnement de téléphonie mobile «extrêmement significatif» selon l’appréciation de la médecine environnementale, jusqu’à une distance aussi loin qu’environ 1’400 m d’un émetteur.
En résumé: dans les villes et les zones à grande population, les puissances sont au maximum légal depuis des années. La population proche d’une antenne ne devrait pas recevoir de puissance supplémentaire, excepté avec le 3,5 GHz.
En zone rurale, il existe fréquemment une marge de manœuvre pour augmenter la puissance. La mise à jour d’un émetteur provoque une élévation de la dose de rayonnements reçue par les riverains. Ceux qui reçoivent le rayonnement le plus fort... continuent de recevoir le rayonnement le plus fort. Pour les autres, l’élévation est plus ou moins importante en fonction de leur situation par rapport à la zone de propagation principale des faisceaux et des équipements installés.
En zone rurale, l’ajout de la 5G à une station 3G/4G se traduit par une hausse de la puissance émise de l’ordre de 20 à 50 %. En France, l’ANSES prévoit une élévation de l’exposition moyenne de 30% (Anses 2019).
On se rappelle que la valeur préventive indicative est 0,2 V/m de jour pour l’adulte en bonne santé; 0,06 V/m durant le sommeil et 0,02 V/m pour les sujets sensibles (respectivement 100 µWm2, 10 µWm2 et 1 µWm2).
Si votre voisin habite à 30 m de l’émetteur et vous derrière lui à 300 m de l’émetteur, il pourra avoir 4,95 V/m chez lui et vous aurez moins de 0,4 V/m. Si votre voisin, habitant le plus proche de l’émetteur, est séparé de 200 m et vous de 300 m, il pourra avoir 4,95 V/m et vous peut-être 3,4 V/m. Entendons-nous: c’est une explication simplifiée qui ne tient pas compte des directions principales de propagation.
La multiplication des antennes
La téléphonie mobile emploie différents systèmes émetteurs.
Une femtocellule émet jusqu’à 0,25 W et dessert jusqu’à 30 utilisateurs dans un rayon de 100 m. Elle se fixe sur un mur ou se dissimule dans le faux plafond.
Une picocellule émet jusqu’à 1 W et dessert jusqu’à 100 utilisateurs dans un rayon de 200 m. Elle se cache dans le tissu urbain, par exemple dans les abribus, sur l’éclairage public, dans un panneau publicitaire, au plafond, dans le sous-sol, etc.
Une microcellule de 6 W dessert jusqu’à 1’500 utilisateurs dans un rayon de 1’500 m. Elle se pose en façade de bâtiment et sur l’éclairage public.
Une macrocellule émet jusqu’à 150 kW, peut desservir plus de 10’000 utilisateurs au-delà de 10 km. Elle prend place sur des pylônes de 25 m et plus ou sur le toit d’immeubles.
Le réseau 3G s’est développé essentiellement avec des macrocellules dotées de quelques centaines de watts de puissance.
La 4G exploite des macrocellules qui émettent jusqu’à plusieurs milliers de watts, en sus de microcellules.
La 5G va considérablement accroître le nombre de femto, de pico et dans une moindre mesure, de macrocellules. Il y a plusieurs raisons à cela:
  • Un système émettant moins de 6 W peut devenir opérationnel sans mise à l’enquête.
  • Le délai court entre la décision d’équiper un site de moins de 6 W et la mise en service effective.
  • La multiplication des femto, pico et microcellules dans les endroits très fréquentés libère les macrocellules.
  • La proximité à l’antenne de l’utilisateur d’une femto, d’une pico ou d’une microcellule favorise le débit, parfois plus rapide qu’avec une macrocellule située à 200 m.
Fréquences autour de 3’400-3’800 MHz
Pour des raisons physiques, plus une fréquence est haute, plus elle peut transporter de données à largeur de bande égale. Des fréquences entre 3’400 et 3’800 MHz ont été libérées pour la téléphonie mobile. Cette gamme de fréquences permet de transmettre de plus grandes quantités de données (presque le double de la fréquence 1’800 MHz, généralement attribuée à la 4G), toutefois sa capacité de propagation est inférieure à celle des autres fréquences utilisées actuellement. Elle ne traverse pas les arbres, elle entre difficilement dans les véhicules et les intérieurs, excepté ceux qui ont des parois en bois.
Afin de compenser sa propagation restreinte, les opérateurs entendent l’exploiter au moyen d’antennes adaptatives qui permettent de concentrer le rayonnement sur chaque utilisateur (théoriquement) afin de lui adresser les paquets de données qu’il sollicite. Ces antennes émettent, pense-t-on, peu de rayonnement en l’absence de connexion, mais avec jusqu’à 10 fois plus de puissance lors des transferts.
Cette technologie va augmenter fortement les pics de rayonnement à l’extérieur et à proximité des antennes, probablement à des distances jusqu’à environ 200 m. Il est difficile actuellement d’estimer le rayonnement auquel s’attendre dans les logements. Les anciens vitrages, peu protégés contre les pertes thermiques, risquent d’être très passants. Des murs épais, comme les anciens murs en pierre, offrent en revanche une atténuation très efficace.
Je m’attend à voir la population dans les zones d’immeubles statistiquement plus exposée à cette nouvelle fréquence. Considérant que l’exposition se fera en fonction des demandes de transfert, l’exposition individuelle dépendra notamment de la consommation de bande passante avec un équipement susceptible de se connecter sur la bande 3,5 GHz dans la zone où vous vous trouvez. Si vous ne vous connectez pas sur cette bande de fréquence, mais que le fils de votre voisin d’étage, ou du dessus/du dessous passe ses nuits à jouer sur l’ordinateur et se connecte en 3,5 GHz grâce à l’Internet-Booster 5G de Swisscom par exemple, il est probable que votre appartement soit soumis à des impulsions constantes de haute fréquence durant ses heures de jeu.
Fréquences de 700 et 1’400 MHz
Hors 5G, le réseau de téléphonie mobile suisse exploite les fréquences de 800, 900, 1’800, 2’100 et 2’600 MHz. La 5G ajoute 700, 1’400 et 3’400-3’800 MHz.
De toutes les fréquences de la téléphonie mobile, la fréquence de 700 MHz bénéficie de la meilleure propagation, donc la plus vaste couverture à l’extérieur. C’est elle qui couvre au mieux les zones rurales à distance de l’antenne. En outre, c’est celle qui pénètre le mieux dans les logements... et celle qui entre le plus profondément dans les tissus humains.
La fréquence de 700 MHz est la fréquence de téléphonie mobile dont le débit est le plus faible.
La fréquence de 1400 MHz est une fréquence intermédiaire qui allie débit et portée satisfaisants. Elle offre certainement le meilleur compromis pour remplir les espaces avec un débit honorable.
On doit s’attendre à l’arrivée progressive de ces deux nouvelles fréquences dans nos intérieurs dès 2022... en fonction des levées d'oppositions et de recours.
«5G Fast» et «5G Wide»
En 2919, les opérateurs –Swisscom en tête– se rendent rapidement compte qu’ils seront incapables d’honorer leurs promesses de meilleurs débits et de mise en service d’émetteurs 5G. Désireuse de ne pas perdre la face, Swisscom recourt à une mise à jour logicielle qui associe plusieurs canaux 3G ou 4G pour augmenter un peu le débit. La démarche aurait pu être louable. Mais l’opérateur sombre dans la tromperie en l’intitulant «5G Wide» («5G basique» chez Sunrise) pour une technologie qui n'a rien de la 5G.
Un jour de décembre 2019, la carte des antennes de l’OFCOM est soudainement couverte de ronds verts, faisant faussement croire que la 5G était largement déployée en Suisse. Pitoyable.
Ouvrir le nouvel onglet La carte des antennes 5G est trompeuse.
La «5G Wide» est possible sans mise à l’enquête puisque ni la puissance, ni le diagramme, ni la couverture ne changent. Le risque est inchangé. Je détaille ici comment les opérateurs ont procédé pour installer la 5G malgré les moratoires.
Le bobard «5G Wide» de Swisscom met une telle pagaille qu’aujourd’hui encore, il n’existe aucun moyen simple pour la population de savoir où se trouve la «5G Fast» (la vraie 5G)! Selon mes sources, on comptait en août 2020 environ 340 sites «5G Fast» en Suisse, soit le 1,7% des sites. En décembre 2021, ils sont environ 600 (3%).
En fournissant une 5G Fast autonome à la mi-décembre 2020, Swisscom rend possible la connexion en 5G sans passage par la 4G.
En conclusion
Nous avons cerné la situation sur la base de faits qui démontrent que le rayonnement augmente continuellement, par petites touches. Chaque jour ou tous les deux jours, une minuscule partie de la population suisse voit s’ériger une antenne dans les parages de son domicile, sur un mât ou sur un toit, se trouve nouvellement exposée à un rayonnement non ionisant. Dans le pire des cas, la puissance du rayonnement de la téléphonie mobile est multipliée par dix mille et plus; pour quelques autres, c’est quelques milliers de fois.
Pour d’autres riverains plus chanceux, l’intensification est moindre, de quelques pour cent, ou quelques dizaines de pour cent. Et pour des millions d’autres, il ne s’est rien passé aujourd’hui. Et il ne se passera rien demain. Ni après-demain.
Reste que si nous multiplions le volume de données transféré par la téléphonie par dix chaque décennie —avec une gradation de l’électrosmog proportionnelle—, nous l’aurons multiplié par dix mille entre 1991 et 2031. Est-ce ce que nous voulons?
Vous souhaitez vous protéger des rayonnements d'une station de base? Vous pouvez acquérir sur internet des rideaux comportant de fines mailles métalliques qui réfléchissent efficacement les rayonnements. Il existe aussi des peintures à base de graphite, certaines sans solvant nocif, pour l'intérieur ou pour l'extérieur, qui peuvent ensuite être recouvertes par une autre peinture à la couleur de votre choix. Pour la construction, on peut aussi utiliser des treillis métalliques à mailles fines.
Mise à jour régulière...
L'article sera mis à jour dès que de nouvelles données seront disponibles. Revenez de temps en temps.
Ces publications complèteront utilement votre savoir :
Références:

1. Anses, Expositions aux champs électromagnétiques liées au déploiement de la technologie de communication 5G et effets sanitaires éventuels associés. Saisine 2019— SA-0006. Page 101.
2. Expositions aux champs électromagnétiques liées au déploiement de la technologie de communication 5G et effets sanitaires éventuels associés. Saisine 2019— SA-0006. Anses, page 96.
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