Les brèves de 2024 sur l'électrosmog - Pierre Dubochet

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Voici des informations de 2024 qui ne justifient pas l'ouverture d'une page
© Pierre Dubochet, ing. radio
toxicologie des RNI
mis à jour le 17 octobre 2024

Rapport annuel 2023 de SwissNIS: +30% de radiofréquences en 2 ans

17 octobre 2024 | Mis à jour le 24 octobre | Le troisième rapport du Consortium SwissNIS sur les mesures de rayonnement non ionisant en 2023 en Suisse, achevé le 20 août 2024, a été publié ce jour, sur mandat de l'OFEV. Un PDF de 142 pages de textes, de chiffres et de graphiques qui devrait assurer la migraine à tout lecteur féru d'en savoir plus. L'idée derrière ce projet de mesure de rayonnements est de connaître l'exposition de la population générale.
La plus grande partie des lecteurs cherche une «conclusion» qui leur permettrait de connaître les tendances. Ils s'esquivent à la page 68. Pas de chance: la conclusion s'étale sur dix pages à propos desquelles le novice aura fort à faire pour tirer la substantifique moelle. Celui qui espère obtenir quelques phrases qui synthétisent le contenu reste sur sa faim.
La première impression qui se dégage de ce document est le découragement à le compulser. Le lecteur, de façon légitime, peut se demander pour quelle raison les rapports du Consortium SwissNIS sont aussi mal rédigés. À titre d'exemple, la page 70 ci-contre à droite, un peu en dessous. Cliquez sur la page 70 pour l'agrandir. Un graphiste dirait que les rapports de SwissNIS n'ont pas une identité, n'ont pas une présentation homogène que se doit d'avoir un rapport annuel cohérent que l'on a envie de lire. Des données qui devraient figurer en annexe densifient inutilement le document.
Je ne vais pas ici me pencher sur les chiffres présentés, avant tout parce que j'ai critiqué la méthodologie mise en œuvre par ce consortium. Pour leur rapport de 2020 publié en 2021, les appareils de mesure exploités (restés les mêmes pour les rapports successifs) avaient enregistré quinze millions de valeurs de mesure de 50 millisecondes chaque, pour un total de 208h. Il est plutôt hasardeux de commenter l'exposition de près de 9 millions de personnes sur la base de si peu de temps. De plus, ces mesures très ponctuelles sont peu fiables dans le contexte de rayonnements pulsés du Wi-Fi, du DAB+ et des antennes 5G à formation de faisceau, pour ne parler que de ceux-ci.
S'ajoute à ceci l'usage non conforme (portage dorsal) des appareils de mesure des hautes fréquences, qui fait que  88% des fréquences mesurées sont atténuées. Les bandes de fréquences comprises entre 650 et 950 MHz environ ont été atténuées d’environ 28% (718, 748, 770 MHz), d’environ 30% (808 MHz), d’environ 33% (847, 897, 942 MHz) selon le graphique en p.29.
Le fabricant des appareils ExpoM employés pour les mesurages, la société Fields at Work GmbH sise Hegibachstrasse 41 à 8032 Zürich, intégrée au Consortium SwissNIS, offre une prestation de calibration complète. Or, bien que le consortium ait relevé une forte atténuation des hautes fréquences du fait de l'usage non conforme des équipements, il ne procède pas à un calibrage qu'il se devait d'effectuer. De mon point de vue, il s'agit d'une faute professionnelle impardonnable dans le contexte de métrologie légale dont voudraient se prévaloir les auteurs. Les publications du Consortium SwissNIS sont donc biaisées, montrant volontairement moins que le rayonnement réel.
Ce qu'il est suggéré d'en retenir
Les chiffres que vous pouvez retirer du Consortium SwissNIS sont les suivants. À défaut de valeurs précises, retenons la hausse des radiofréquences, plus marquée là où se concentre la population. Une comparaison entre les mesures de l'année 2021 et celles de l'année 2023 révèle une hausse du rayonnement* d'environ 52% dans les bus et dans les aéroports et d'environ 34% dans les trains. De manière globale, la population des villes et des lieux fréquentés est exposée à une hausse statistique d'environ 30% sur deux ans. Ce sont des chiffres en adéquation avec l'évolution dans d'autres pays ayant introduit la 5G.
* En ce qui concerne ce que l'on appelle en physique la valeur efficace.
Une telle hausse en deux ans se traduirait, si elle persistait sur une décennie, par un quadruplement de l'intensité électrique.
Or, nous atteignons le point où le rayonnement à haute fréquence crée le maximum du stress environnemental admissible pour la population générale selon l'Académie européenne de médecine environnementale (EUROPAEM), qui préconise une valeur indicative préventive de 0,2 V/m pour l'exposition aux radiofréquences en journée.
Si l'on considère que l'on continue à densifier le réseau de téléphonie mobile à coups de stations émettant des milliers voire des dizaines de milliers de watts en agglomération (des centaines de nouvelles stations sont mises en service chaque année), que nous mettons en service plus de dix millions d'émetteurs Bluetooth et plus de deux millions de Wi-Fi par année dans notre petit pays, la science nous dit de manière claire que nous devons nous préparer à une hausse de cas des symptômes connus de l'exposition chronique à des radiofréquences, effets qui consistent avant tout en déficits en lien avec le système nerveux: céphalées, fatigue chronique, déficit de concentration, déficit d'attention, déficit de mémoire à court terme, difficulté à maintenir le sommeil, acouphènes et vertiges.
Une brève de 2022 (ouvre un nouvel onglet) évoquait le premier rapport de SwissNIS.
Articles en lien ci-dessous (de nouveaux onglets sont ouverts):
Figure 1 ci-dessus | Couverture du rapport annuel 2023 de SwissNIS. Cliquez pour ouvrir le PDF.
Figure 2 ci-dessous | Page 70 du rapport annuel 2023 de SwissNIS. Cliquez pour ouvrir la page 70.

Personnes électrohypersensibles, sacrifiées au nom du progrès - quelles solutions?

Figure 1 | L'interpellation de Sabine Glauser Krug. Cliquez pour agrandir.
17 octobre 2024 | Quelles solutions pour les personnes intolérantes aux rayonnements? demande Sabine Glauser Krug dans une interpellation [24_INT_129] déposée au mois de septembre au Grand Conseil du canton de Vaud. «Toute la complexité de cette affection réside dans la diversité des fréquences non tolérées (certaines personnes seront plus sensibles au Wi-Fi, d'autres au réseau électrique ou encore aux émissions des appareils connectés,...), l'apparition différée des symptômes et la fluctuation du degré de sensibilité», écrit la députée.
Elle indique également: «Les plus sensibles renoncent à toute vie sociale, passent leur temps à rechercher un logement compatible avec leur état de santé, au fur et à mesure du développement des antennes de téléphonie mobile publiques et des appareils connectés publics ou privés, et renoncent à toute visite médicale, même en cas d'accident».
Force est de reconnaître que, année après année, la situation stagne pour les personnes touchées qui doivent se débrouiller par leurs propres moyens, en particulier les personnes seules devant exercer une activité lucrative.
Phobie des rayonnements, personnes fonctionnellement diminuées par les rayonnements
Pour être clair, il existe deux catégories de personnes: celles qui ont une phobie des rayonnements sans pour autant être diminuées par l'exposition aux ondes, et les personnes qui sont fonctionnellement diminuées lors d'expositions chroniques aux rayonnements. Il n'y a aucune raison de ne pas reconnaître leurs droits aux seconds en raison de la situation des premiers.
C'est le lieu pour rappeler que les études de provocation souffrent de biais méthodologiques et ne renseignent pas sur l'intolérance effective ou non des sujets, puisqu'elles se basent sur des expositions à court terme et qu'il est établi depuis les années 1950 que les symptômes invalidants sont provoqués par des expositions répétées de longue durée, spécifiques à la personne.
En confondant sensitivité avec symptômes invalidants, ces études de provocation ne font qu'ajouter de la confusion à un sujet qui n'en a guère besoin.
Des études sur les effets des ondes, ou sur le conditionnement?
Le lecteur devrait s'interroger sur la prolifération d'études de provocation plus de 40! sur les rayonnements qui, sauf exception, ne montrent pas de lien. Car en science, tous cherchent à prouver un lien. Il est inutile d'effectuer une énième étude alors que tant d'autres chercheurs ont écrit sur l'absence de lien. On ne peut que conclure à une défense d'intérêts secondaires en regardant les nombreuses études de provocation ne montrant pas de relation causale. Qui servent-elles?
Par contre, ces études sont intéressantes sur l'effet nocebo, effet qui par ailleurs biaise toutes sortes de recherches. Les commentaires des auteurs sur ce point en disent plus que toute autre chose sur leur intégrité de chercheur. Car, à l'évidence, les études sur le conditionnement n'ont rien à nous apprendre sur les symptômes invalidants provoqués par l'exposition chronique aux rayonnements et n'ont rien à faire dans la recherche sur les conséquences de l'exposition chronique aux rayonnements. Le fait qu'un chercheur confonde étude du conditionnement et étude sur les symptômes provoqués par une exposition aux ondes en dit long sur son biais de confirmation d'hypothèse, par son choix d'écarter des alternatives.
Deux fois plus de Bluetooth en deux ans, deux fois plus de Wi-Fi en trois ans et demi
On compte en Suisse 55,1 millions d'émetteurs Bluetooth et 15,1 millions d'émetteurs Wi-Fi géolocalisés. Le nombre d'émetteurs Bluetooth a doublé depuis octobre 2022. Le nombre d'émetteurs Wi-Fi a doublé depuis mars 2021. À cette période, on comptait 904 Wi-Fi pour mille habitants. Aujourd'hui, on compte 1'730 Wi-Fi pour mille habitants. La Suisse figure depuis des années parmi les pays dans lesquels le Wi-Fi est le plus dense par habitant, juste derrière les États-Unis et le Canada. Nous sommes aussi dans le peloton de tête en ce qui concerne le Bluetooth. N'en déplaise aux détracteurs inconditionnels de la 5G qui la jugent au centre du problème, les routeurs Wi-Fi, connus pour provoquer entre autres des troubles de maintien du sommeil à plusieurs mètres de distance, représentent un problème pour des personnes devenues intolérantes à ce type de rayonnement, qui ne peuvent pour ainsi dire plus vivre en immeuble.
Sans être pessimiste, il est difficile d'entrevoir dans ce contexte comment le soutien envers les personnes les plus diminuées fonctionnellement par les rayonnements pourrait s'améliorer significativement dans les années à venir.
L'année passée s'est ouvert le réseau suisse de conseil médical sur le rayonnement non ionisant MedNIS. Les médecins traitants peuvent adresser leurs patients pour une consultation spécialisée sur le rayonnement non ionisant et la santé auprès de ces médecins, qui restent rares: pour la Suisse romande, on en compte un à Carouge, un à Fribourg, un à Sion.
Des logements pour les «EHS», des lieux publics de récupération?
Dans son interpellation, Sabine Glauser Krug demande notamment au Conseil d'État: «Quelles mesures le Conseil d'État a-t-il prises ou entend-il prendre pour veiller à préserver ou mettre en place des lieux compatibles avec la recherche, le logement des personnes EHS et/ou des lieux publics de récupération?» et «Quels moyens à sa disposition le Conseil d'État serait-il enclin à utiliser pour encourager l'autorisation des zones blanches par les instances fédérales?» Le Conseil d'État devrait répondre d'ici au 16 décembre.
On attend de voir si les sujets affectés par les rayonnements artificiels continueront d'être des citoyens de seconde zone, à qui l'on répond que la science n'a rien prouvé, que les limites actuelles protègent des effets des expositions, et que la recherche doit continuer.
Articles en lien ci-dessous (de nouveaux onglets sont ouverts):

Demande de rétractation de la revue systématique de 2024 de Röösli et coll. pour l'OMS

15 juillet 2024 | Une nouvelle fois, le principal conseiller de la Confédération suisse sur le rayonnement non ionisant, et directeur du groupe consultatif fédéral BERENIS (poste qu'il a quitté fin mars 2024), est sous les feux de la critique scientifique. Il s'était fait remarquer par 23 experts en rayonnements en 2019 en tenant des propos scientifiquement inexacts (ouvre un nouvel onglet). Dans une lettre adressée le 7 janvier 2020 à la Présidente de la Confédération suisse Mme Simonetta Sommaruga, ces experts recommandaient «d'exclure Martin Röösli d'un poste d'expert objectif sur les effets des rayonnements sur la santé». Copie de la lettre était envoyée aux six autres membre du Conseil fédéral, au Chancelier fédéral Walter Thurnherr, à OFCOM section RNI, au groupe BERENIS, à la COMCOM, au METAS, à l’OFEV et à l’OFSP.
Dans «Une évaluation critique de l’examen systématique de l’OMS 2024 des effets de l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquences sur les acouphènes, les migraines et les maux de tête, ainsi que les effets non spécifiques» (A critical appraisal of the WHO 2024 systematic review of the effects of RF-EMF exposure on tinnitus, migraine/headache, and non-specific symptoms) parue aujourd'hui, les auteurs ont évalué de manière critique la qualité scientifique de la revue systématique de Röösli et collègues à l’aide de critères standardisés et globalement utilisés, développés par l’Oxford Centre for Evidence-Based Medicine. Les auteurs ont examiné la robustesse de la revue systématique récemment publiée par Röösli et collègues (*) ainsi que la crédibilité scientifique des études primaires pertinentes disponibles selon cette équipe.
Revenons un peu en arrière. En 2012, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a ouvert une consultation d'experts concernant la recherche sur les effets des champs électromagnétiques de radiofréquence sur la santé, dans le cadre d'une monographie de l'OMS dont la dernière mise à jour remonte à 1993. Le projet a été abandonné en raison de préoccupations au sujet de la qualité des documents d'analyse. Le programme a été rouvert en 2019. Une revue systématique a été publiée en janvier 2024 par Röösli et collègues. Elle porte sur des études d'observation humaine de l'exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquences et des symptômes non spécifiques, notamment les acouphènes, les migraines et les maux de tête, ainsi que les troubles du sommeil. C'est cette revue systématique de Röösli et collègues qui est critiquée à l’aide de critères standardisés développés par l’Oxford Centre for Evidence-Based Medicine.
Dans la conclusion, les auteurs de la critique de la revue systématique publiée par Röösli et collègues indiquent: «En résumé, la manière dont un lecteur non averti en matière d’épidémiologie risque d’être induit en erreur par cette revue systématique est claire. Elle semble conclure sans équivoque que l’ensemble des preuves scientifiques examinées soutient la sécurité des limites actuelles d’exposition de la population aux champs électromagnétiques de radiofréquence (par exemple, celles basées sur l’ICNIRP).
«Nous répétons qu’au contraire, ce corpus de preuves n’est pas adéquat pour soutenir ou réfuter la sécurité des limites d’exposition actuelles — principalement en raison du très petit nombre et de la faible qualité méthodologique des études primaires pertinentes à ce jour, et de l’inadéquation fondamentale de la méta-analyse pour la poignée d’études primaires très hétérogènes identifiées par Röösli et collègues pour chacune des combinaisons d’exposition/résultats analysées» (traduction).
Les auteurs de la critique de la revue systématique récemment publiée par Röösli et collègues vont plus loin: «Nous demandons donc la rétractation de la revue systématique de Röösli et collègues».
En outre, ils demandent «une enquête internationale impartiale, menée par des experts indépendants, sur la base de données probantes actuellement disponibles sur ces questions, ainsi que sur les priorités de recherche qui en découlent pour l’avenir. Cette enquête devrait notamment aborder, au-delà des résultats sanitaires prioritaires à étudier (qui ont déjà été évalués lors de la consultation internationale d’experts organisée par l’OMS en 2018), la nécessité d’améliorer les méthodes de mesure précise de l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquence, adaptées aux grandes études d’observation humaine dans la population générale — le talon d’Achille de la littérature actuelle».
Depuis quelque temps, les télescopages entre les avis biaisés qui se veulent rassurants quant à l'exposition chronique aux radiofréquences et aux rayonnements en général et les données scientifiques qui incitent à la prudence, sont de plus en plus évidents.
L'étude de Röösli critiquée: Röösli M, Dongus S, Jalilian H, Eyers J, Esu E, Oringanje CM, et al. The effects of radiofrequency electromagnetic fields exposure on tinnitus, migraine and non-specific symptoms in the general and working population: a systematic review and meta-analysis on human observational studies. Environ Int 2024;183:108338.

Le Tribunal fédéral membre d'un groupe de lobbyistes des télécoms

Figure 1 | Le Conseil fédéral est membre de l'Asut. Cliquez pour agrandir.
13 juillet 2024 | L’Asut se déclare la principale association du secteur des télécommunications en Suisse. «Conjointement avec nos membres, nous organisons et façonnons la transformation numérique en Suisse et nous engageons pour la mise en place de conditions-cadres politiques, juridiques et économiques optimales pour l’économie numérique», lit-on sous la présentation succincte en ligne.
Et: «La Suisse doit se positionner comme le pays offrant le meilleur réseau de communications du monde». Jusque là, tout va bien. C’est un groupe de lobbyistes comme tant d'autres. Il œuvre au quotidien pour faire fleurir les stations de base dans nombre de quartiers et pour que soit facilitée l'expansion du réseau de téléphonie mobile par des réglementations plus souples.
Dans le comité, des représentants des équipementiers Ericsson et Huawei, des opérateurs Swisscom, Sunrise et Salt, et d'autres entreprises dans cette mouvance. On s'y attendait.
Voyons les membres. Au hasard, la lettre «T». Oups: ai-je bien lu? Le Tribunal fédéral est membre de l’Asut et paie des cotisations? Cliquez sur l'image ci-contre pour l'agrandir. Non, vous ne rêvez pas. Le Tribunal fédéral, qui juge au plus haut degré nos litiges de téléphonie mobile, est membre d'un groupe de lobbyistes où sont présents les trois opérateurs et deux équipementiers de téléphonie mobile, et ainsi finance ces lobbyistes.
Les statuts de l’Asut indiquent les devoirs des membres dans son article 5: «Les membres soutiennent activement l’association et ses buts en collaborant au sein des commissions et des autres organes de l’association». Donc le Tribunal fédéral ne peut pas rester membre «les bras croisés».
Le but de l’Asut, principale association du secteur des télécommunications, étant de façonner la transformation numérique en Suisse dont la téléphonie mobile occupe une place centrale, le devoir de ses membres étant de soutenir activement l’association et ses buts, difficile de ne pas voir un conflit d’intérêts.
On se demande comment une telle jonction contre nature est née. Nous ne le saurons probablement jamais. Le minimum serait d'y mettre fin au plus vite.

Puissance décuplée, pas de permis: 6 mois de rab, le cadeau de la DTAP aux opérateurs! (mis à jour)

Figure 1 | Fiche de données spécifique au site de Swisscom pour une «procédure bagatelle», dont le public ne prend jamais connaissance.
2 juillet 2024 (mis à jour le 12 juillet) | Lors de l'émission, les antennes adaptatives à formation de faisceau ne couvrent pas tout leur secteur au même moment —soit une zone horizontale d’environ 120°— mais seulement une partie de leur zone de couverture. Les autorités fédérales ont trouvé judicieux dadapter la réglementation de manière à ce que ces antennes puissent émettre plus fort que les antennes conventionnelles, durant une partie du temps. C’est ce qu’offre le facteur de correction. Dans certains cas, le changement transforme une puissance d’émission de 2’500 W ERP en 25’000 W ERP, ce qui ne constitue pas une bagatelle, laquelle se définit comme n’ayant pas d’influence ou une influence mineure, et dépend ainsi d’une appréciation de fait.
Adapter la réglementation a été un exercice périlleux. La technique de fonctionnement de la 5G est faite de processus bien plus complexes que ceux de la génération précédente. Quant au droit, il doit décrire et encadrer en quelques mots des situations d’exploitation dans un foisonnement d’articles. Le moins que l’on puisse dire est que le résultat juridique est des plus désordonnés. On s’y attendait. Par exemple, quelle impudence de transformer, dans une ordonnance fédérale, une valeur «limite», une valeur que l’on peut approcher sans jamais la dépasser, en une moyenne!
Désorganisation à l’introduction de la 4G
La branche peine à apprendre du passé. À l’introduction de la 4G, une même désorganisation était palpable dans un contexte technique moins exigeant, entre changement d’équipement nécessitant une procédure de mise à l’enquête publique et changement d’équipement mineur susceptible d’être réglé par voie administrative.
La DTAP* avait proposé ses recommandations du 7 mars 2013 pour éclaircir les procédures d’autorisation sous la responsabilité des cantons et des communes. Malgré tout, «une certaine incertitude règne quant aux adaptations sur une installation de téléphonie mobile qui correspondent à une modification au sens de l’ORNI et qui peuvent être considérées comme un changement mineur, un cas bagatelle», relevait le Groupe de travail RNI du Cercl’Air. Et de préciser qu’un cas bagatelle est a) la modification du type d’antenne; b) le transfert de la puissance d’émission entre des bandes de fréquences déjà utilisées ou des nouvelles bandes de fréquences, sur la même antenne et le même azimut. Le Cercl’Air** donnait aussi des exemples de modification n’étant pas des cas bagatelles.
* Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est un organe de liaison entre les membres des gouvernements de tous les cantons suisses, qui ont la responsabilité d'un ou de plusieurs des domaines, dont l'aménagement du territoire.
** Société qui regroupe des représentants des autorités et des hautes écoles suisses qui traitent de la protection de l'air et de la protection contre le rayonnement non ionisant.
5G et puissance décuplée
Puis viennent les antennes à formation de faisceau de la 5G et leur facteur de correction. Une antenne à formation de faisceau peut fonctionner en mode macro, comme le fait une antenne conventionnelle. Un changement par logiciel la fait entrer en mode de formation de faisceau qui couvre une zone plus étroite et activer le facteur de correction. Ce dernier la fait émettre avec une puissance multipliée jusqu’à dix, tout en respectant, par périodes de six minutes, la puissance moyenne inscrite dans la fiche.
Swisscom en particulier a eu pour habitude de déposer des mises à l’enquête avec des antennes à formation de faisceau sans revendiquer le facteur de correction. Une fois le permis obtenu, l’opérateur activait ce facteur par voie administrative, sans mise à l’enquête, en ce qui est parfois appelé «procédure bagatelle» ou «procédure mineure». Les personnes touchées n'en savaient rien et se trouvaient ainsi privées de leur droit d’opposition et de recours.
Entre les pro-5G, les anti-5G, les acteurs politiques, les hommes (et femmes) de loi, les associations, les préventeurs, l’interprétation des textes varie. Des centaines de procédures surchargent les tribunaux et le personnel communal entre autres.
La perception variable des Conseillers d’État
En juin 2019, la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions (DAEC) du canton de Fribourg décide de ne plus appliquer la recommandation de la Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de l’environnement» (DTAP) qui traite des changements mineurs. Le Conseil d’État du canton de Fribourg le 2 septembre 2021: «Aucune antenne adaptative ne sera mise en service dans notre canton sans avoir obtenu l’aval du canton et fait l’objet d’une procédure ordinaire de permis de construire».
Le 16 décembre 2019, Monsieur le Conseiller d’État Laurent Favre, chef du Département du développement territorial et de l’environnement du canton de Neuchâtel, m’indique par lettre que «ser[ont] soumise à une procédure de permis de construire [...] également les nouveaux projets d’adaptations mineures, qualifiées de “cas bagatelles”».
Le 13 décembre 2019, Mme la Conseillère d’État Béatrice Métraux précise: «l’État de Vaud autorisera les modifications mineures d’antennes existantes, dits cas bagatelles», mais «invite toutefois les communes à soumettre à enquête publique ces cas bagatelles». Puis elle communique le 17 juin 2021 que son canton renonce aux procédures bagatelles et exige un permis de construire pour toutes les modifications au sens de l’ORNI.
En Valais, Monsieur le Conseiller d’État Franz Ruppen, dans son Aide à l’exécution du Département de la mobilité, du territoire et de l’environnement note le 17 février 2023 «on procédera par simple annonce, sans autorisation de construire» par exemple pour «l’activation d’un facteur de correction plus petit que 1 sur des antennes adaptatives».
Idem à Genève où le Conseil d’État adopte le règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires (RPRNI) le 1er mars 2023 qui contient notamment comme dispositions sous chapitre III article 5 sur les modifications mineures: «le transfert de puissance d’une antenne conventionnelle vers une antenne adaptative avec un facteur de correction» (lettre f) et «l’application d’un facteur de correction aux antennes adaptatives existantes au sens du chiffre 63, alinéa 2, de l’annexe 1 de l’ordonnance fédérale» (lettre g).
La DTAP tente de clarifier
La DTAP tente de clarifier la situation dans sa lettre «Téléphonie mobile: les cantons veulent la sécurité juridique en matière de téléphonie mobile» du 6 juillet 2021. Puis le 9 mars 2023, elle indique des options possibles pour les modifications mineures (cas bagatelles): «les cantons sont libres de traiter certaines autres modifications comme des modifications mineures. Ces modifications peuvent générer de brèves augmentations de l’intensité des champs électriques, tout en respectant les valeurs limites». Ces augmentations peuvent aller jusqu’à un facteur de 3,2.
Et la DTAP d’énoncer des modifications mineures, si tel est le désir des cantons, susceptibles de faire passer une antenne adaptative d’un fonctionnement en mode macro à un fonctionnement en mode à formation de faisceau avec facteur de correction: «Transferts de puissance entre des antennes conventionnelles et des antennes adaptatives de même azimut» et «Remplacement d’une antenne conventionnelle par une antenne adaptative».
Manifestement, la vision erronée de l’OFEV qui autorise durant une courte période de dépasser la valeur limite de l’installation de 5 V/m désormais prévue par l’ORNI limite pourtant bien encadrée par différents articles de l’ordonnance ne permettant aucune interprétation différente fait tache d’huile. En outre, d’aucuns semblent oublier qu’un projet démetteur est soumis à l’ORNI et au droit de la construction.
C’est net que c’est flou
Le Tribunal fédéral indique le 14 février 2023 (1C_100/2021 ch. 6.3.2) qu’il faudra clarifier dans une procédure ultérieure si le facteur de correction entre dans une procédure bagatelle.
La situation reste floue encore en septembre 2023, au moins pour Swisscom qui, ayant déposé une fiche de donnée «bagatelle» (image dillustration ci-dessus à droite) pour activer le facteur de correction à une commune qui le lui refuse, tente d’obtenir un jugement en sa faveur devant le Tribunal fédéral. Qui juge dans l'arrêt 1C_506/2023 du 23 avril 2024 que «Cette modification de fait de l'exploitation justifie régulièrement un intérêt des riverains et du public à un contrôle préalable pour savoir si les conditions d'autorisation sont remplies» (traduction, ch. 4.2). Lire ma brève (ouvre un nouvel onglet).
Plusieurs groupes de travail «officiels» au niveau national se sont créés dès la communication le 13 mai 2024 de l’arrêt du Tribunal fédéral pour élaborer la marche à suivre pour régler les cas existants et pour définir le futur.
Diverses associations ont aussi réagi à l’arrêt. Certaines ont adressé une communication, parfois à leur autorité cantonale, parfois également à d’autres, parfois à un grand nombre de communes pour dénoncer les activations du facteur de correction sans mise à l’enquête. La pression est soutenue notamment dans le canton de Berne où Laubscher Plannetzwerk GmbH, l’association Gigaherz et l’association suisse WIR ont dénoncé 380 activations illicites d’antennes dans 127 communes bernoises le 21 février 2024. Une interdiction dexploitation immédiate est exigée. Dans ce canton, un permis de construire est de toute manière requis pour toute construction ou installation créée artificiellement destinée à durer et susceptible de porter atteinte à l’environnement, de même que les changements d’installations (art. 7 LC).
Figure 2 | Fiche de données spécifique au site, fiche complémentaire 1. Le fond des cellules indiquant la puissance des antennes adaptatives à formation de faisceau est rempli en vert. Cliquez pour agrandir.
Figure 3 | Fiche de données spécifique au site, fiche complémentaire 2. Le fond des cellules indiquant le mode adaptatif et le nombre de sous-antennes est rempli en rouge. Cliquez pour agrandir.
Recommandations consolidées et 6 mois de rab pour les antennes sans permis valable!
À la suite de la publication de l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_506/2023 du 23 avril 2024 sur lactivation du facteur de correction, le comité directeur de la DTAP a soumis des recommandations consolidées aux cantons, le 11 juin.
La DTAP note qu'il ne faut plus accepter les fiches de données spécifiques au site qui font valoir un facteur de correction déposées hors d'une procédure ordinaire d'autorisation de construire. Ce qui est conforme à la décision du Tribunal fédéral. Il note également: «S’agissant des antennes avec facteurs de correction actifs, nous vous recommandons d'envoyer, par l'intermédiaire des autorités compétentes, un courrier aux opérateurs de téléphonie mobile pour leur demander de déposer les demandes de permis de construire ou de désactiver le facteur de correction dans un délai de 6 mois» et joint un modèle de courrier.
Dans le canton de Berne notamment, où des associations exigent un retour à la situation conforme, très exactement une désactivation du facteur de correction, le bureau de l’Association des communes bernoises de Jürg Wichterman s’est empressé de transmettre par courriel une reprise de la recommandation de la DTAP à «ses» communes le 28 juin.
Dans sa lettre du 11 juin aux cantons, la DTAP indique aussi: «les valeurs limites sont malgré tout respectées». Non! Les valeurs limites de l'installation pour une station de téléphonie mobile sont de 5 V/m (en général; elles varient avec les fréquences exploitées). Le facteur de correction peut faire dépasser cette intensité dans un lieu à utilisation sensible proche, sur la base d'un calcul en sommation des fréquences selon les directives de l'OFEV. En excluant le champ électrique de toutes les  autres antennes ce qui ne constitue pas un calcul correct au sens des recommandations—, il arrive que l'activation d'une seule antenne à formation de faisceau dépasse l'intensité de 5 V/m dans un LUS.
L’arrêt du Tribunal fédéral 1C_506/2023 du 23 avril 2024 indique: «Alors qu'auparavant les VLInst devaient être respectées en tout temps dans un LUS, il pouvait désormais se produire des situations dans lesquelles les valeurs limites définies au ch. 64, annexe 1, ORNI pouvaient être dépassées pendant une courte période» (ch. 3.3, traduction). Et: «l'intensité du champ électrique calculée pour un LUS, généré par une (unique) antenne adaptative, peut être dépassée au maximum de 3,16 fois à court terme» (ch. 3.6, traduction).
Ce qui fait 5 V/m fois 3,16 = 15,8 V/m. Il est donc insolite que la DTAP cherche à faire croire que les stations modifiées respecteraient les valeurs limites. Si certaines antennes émettent avec des puissances plus fortes grâce à l'activation non autorisée du facteur de correction, la constructrice ne peut pas se prévaloir des alinéas 2 et 3 du chiffre 63 de l'annexe 1 de l'ORNI sur le facteur de correction. Pour ces stations en situation irrégulière, la puissance maximale des antennes émettrices est définie dans la fiche complémentaire 1 (cases en vert dans la figure 2 à droite). Les indications sur le mode adaptatif et sur le nombre de sous-antennes (sub-arrays) dans la fiche complémentaire 2 (cases en rouge dans la figure 3 à droite) sont nulles et non avenues. En situation conforme, elles autoriseraient pour cette fiche durant 1 minute 12 secondes les puissances de 5'000 W ERP au lieu de 1'000 W ERP et 3'000 W ERP (2 x) au lieu de 600 W ERP (2x).
Délai de 24 heures pour les corrections faisables à distance
Pour rappel: «Les dépassements constatés de valeurs autorisées sont corrigés dans les 24 heures pour autant que cela puisse se faire à distance» selon la Circulaire de lOFEV du 16 janvier 2006. À ma connaissance, aucune intervention sur place n'est nécessaire pour passer du mode de fonctionnement à formation de faisceau au mode d'une antenne conventionnelle. La désactivation du facteur de correction et le retour au mode macro se font à distance depuis un bureau centralisé de l’opérateur. On s’attendait à une mise en conformité, disons, au plus dans les 4 à 6 semaines qui suivent la publication de l’arrêt, considérant qu’un opérateur doit peut-être corriger 2000 stations. Un délai de 6 semaines de 5 jours, soit 30 jours ouvrés, à raison d'une conversion de 67 stations par jour ce qui fait un peu plus de 8 stations par heure semble tout à fait faisable pour une procédure de routine. L’arrêt du Tribunal fédéral a été publié le 13 mai 2024. Dans ces conditions, aujourd'hui, un opérateur de bonne volonté se serait mis en conformité.
Je comprends que l’objectif des recommandations de la DTAP soit de «soutenir les services concernés –notamment les services cantonaux et municipaux spécialisés RNI, mais aussi les communes– en matière d’autorisation d’installations de téléphonie mobile [... pour] décharger les autorités publiques, mais aussi les opérateurs de téléphonie mobile». Bien des acteurs auraient voulu éviter pareille situation et pareil volume de travail. Mais il se trouve que notre Cour suprême a jugé que le droit d'être entendu était contourné par l'absence d'une mise à l'enquête publique. Conclure qu’une autorisation de construire nétait pas requise comme l’a fait spécialement un opérateur, c’était prendre le risque de s’écarter de la fiche de données spécifique au site active, c’était prendre le risque d’enfreindre la loi sur les constructions, d'enfreindre le droit d'être entendu, c’était prendre le risque de devoir supporter les frais de rétablissement de la situation légale. L'opérateur a accepté un risque opérationnel. Il y a maintenant des conséquences. En particulier des frais et un sérieux effet retard.
De mon point de vue, la DTAP tente un remaniement de la décision du Tribunal fédéral pour en minimiser les conséquences opérationnelles. Certes, ce ne sont que des recommandations, que les cantons et les communes peuvent suivre, ou pas. La première chose qui me gêne est que la DTAP prétende que «les valeurs limites sont malgré tout respectées», ce qui ne correspond pas à la réalité. La deuxième chose qui me gêne est que le comité de la DTAP «s'est mis d'accord à l'unanimité sur un délai de six mois. Il estime que ce délai est approprié pour la remise des demandes de permis de construire» (courriel du 11 juillet, l'italique est de moi).
La DTAP table sans doute sur le fait que les opérateurs déposeront des demandes de permis de construire en masse d'ici à la fin de l'année en vue d'obtenir l'activation du facteur de correction. Environ trois mille demandes de permis de construire font actuellement l'objet d'une procédure d'opposition ou de recours. L'ajout de trois à quatre mille demandes supplémentaires motivées par l'activation du facteur de correction accroîtra encore l'engorgement chronique du personnel communal, des services spécialisés, des tribunaux, des bureaux d'avocats, des experts. Le délai actuel pour la délivrance d'un permis de construire, qui s'étale, en moyenne, à un peu moins d'un an dans le cas d'une simple levée d'oppositions, à plus de deux ans avec un recours en seconde instance, trois si le tribunal fédéral est sollicité, va s'allonger.
Les riverains doivent-ils accepter la prolongation d'un vice de forme durant des années?
La recommandation de la DTAP n'est pas défendable. D'un, alors que le Tribunal fédéral a considéré que la façon actuelle d’exploiter ces stations constitue un vice de forme, elle la considère admissible sous couvert d'une demande de permis de construire «dans un délai de 6 mois». Elle tolère que ce facteur soit désactivé dans le même délai. De deux, la DTAP fait abstraction du long intervalle entre la demande de permis de construire et sa délivrance, qui pourrait avoisiner vingt mois entre 2025 et 2026. De trois, la DTAP semble anticiper que la constructrice obtiendra son permis de construire, semble se substituer à la procédure, pourtant loin d'être gagnée dans le contexte technique et juridique clairement incertain du facteur de correction. De quatre, la DTAP prétend que «les valeurs limites sont malgré tout respectées», ce qui est inexact pour une partie des stations au moins.
Imaginons le cas théorique suivant fondé sur un étagement calendaire réaliste. Une constructrice dépose une fiche de données spécifique au site en février 2021, sans facteur de correction. Elle obtient le permis de construire en novembre 2021. La station est construite et mise en service.
Puis, le 12 avril 2022, après avoir envoyé une fiche de données spécifique «bagatelle» à la commune, la constructrice active le facteur de correction. L'arrêt 1C_506/2023 du 23 avril 2024 est publié le 13 mai 2024. Suivant la recommandation du 11 juin de la DTAP, la constructrice dépose une fiche pour l'activation du facteur de correction le 12 décembre 2024. Le 21 mars 2025 le département de l'environnement (ou autre, selon le canton) préavise favorablement. Des riverains font opposition. Elle est levée après six mois. Ils font recours en contestant la conformité ORNI. Le jugement du Tribunal administratif de première instance rejette le recours le 2 février 2026. Les riverains recourent en deuxième instance, présentent une expertise technique de la fiche qui conteste la conformité ORNI. Le 13 janvier 2027, le président de la Cour de justice annule le jugement du Tribunal administratif de première instance et la décision du département de l'environnement, renvoie le dossier au département de l'environnement pour nouvelle décision. La constructrice ne fait pas recours. La décision entre en force le 18 février 2027.
Pour quelle raison les riverains devraient-ils accepter que la constructrice puisse exploiter le facteur de correction du 12 avril 2022 au 18 février 2027? Quand bien même la constructrice gagnerait en deuxième instance et que les riverains renonceraient à recourir au Tribunal fédéral, pour quelle raison les riverains devraient-ils accepter presque cinq ans d'anticipation de fonctionnement conforme?
Je relève que dans ses statuts, article 2, la DTAP «encourage et coordonne la collaboration entre les cantons et la Confédération». On peut s’agacer que, au cœur de cette position, la DTAP méprise un arrêt du Tribunal fédéral.
Articles en lien ci-dessous (de nouveaux onglets sont ouverts).

Facteur de correction : le Tribunal fédéral a tranché

15 mai 2024 | L'opérateur le plus puissant de Suisse, Swisscom, a épuisé tous ses droits de recours. Et a perdu.
Cet article a été placé sur une nouvelle page.
Articles en lien ci-dessous (de nouveaux onglets sont ouverts).

Causation centrale de l'autisme, rôle du RNI et d'autres agents

7 mai 2024 | L'autisme est un trouble de l'enfance caractérisé par des déficiences précoces dans les interactions sociales et la communication, ainsi que par des intérêts ou des comportements répétitifs ou circonscrits. Les troubles du spectre autistique (TSA) comprennent l'autisme, les troubles envahissants du développement et le syndrome d'Asperger, et sont considérés comme un véritable spectre sans divisions distinctes entre ces trois types.
La prévalence du trouble du spectre de l’autisme est d'environ une personne sur 150 environ, certaines études indiquent un taux supérieur à un pour cent. On évoque 80'000 cas en Belgique, 700'000 en France. En Suisse, je n'ai pas trouvé de chiffre, tout au plus parle-t-on de plus de 10'000 enfants jusqu'à l'âge de 19 ans. Il existe une surreprésentation masculine, quatre à cinq garçons pour une fille.
Le rayonnement non ionisant et quinze classes chimiques impliquées dans l'autisme agissent chacune pour produire une élévation du [Ca2+]i selon Martin Pall. Douze agissent par l'activation des récepteurs NMDA, trois par d'autres mécanismes.
Dans son étude, le professeur émérite de biochimie et de sciences médicales propose un modèle causal/explicatif des mécanismes neurodéveloppementaux, physiologiques, biochimiques, environnementaux et génétiques des TSA. Les approches susceptibles d'être utilisées pour la prévention ou le traitement des TSA sont examinées.
Aller sur la page de téléchargement pour obtenir l'étude (libre accès).

CIRC | La réévaluation du risque des radiofréquences reportée

8 avril 2024 | Lors de l'évaluation précédente de mai 2011, environ vingt-cinq experts de quatorze pays réunis par le CIRC avaient classé presque à l’unanimité le rayonnement à haute fréquence parmi les agents «cancérigènes possibles pour l’homme» (groupe 2B). Martin Röösli a voté pour cette classification.
La question d'une mise à jour de cette évaluation est pendante depuis plusieurs années parce que de nombreux chercheurs d’envergure internationale considèrent qu’une nouvelle évaluation doit avoir lieu.*
Un changement de classification aurait des conséquences gigantesques sur l’industrie active dans les technologies radio, soit en tant que blanc-seing, ou au contraire en limitant plus sévèrement les possibilités d'exposition. Elle pourrait impacter plus ou moins fortement le secteur des téléphones mobiles, qui a vendu 1,23 milliard d'exemplaires en 2023.
Samsung et Apple pourraient être particulièrement impactés par une élévation de la catégorie du risque en «probablement cancérogène pour l’homme» ou pire encore, «agent cancérogène pour l’homme», chacun ayant environ un milliard d'utilisateurs, le premier avec 22% du marché planétaire du smartphone, le second avec 17% ces dernières années.
En décembre 2022, j'avais indiqué (ouvre un nouvel onglet) que le CIRC allait bientôt réévaluer le risque de cancérogénicité des radiofréquences. «Peut-être...» avais-je ajouté, avec trois points de suspension, tant ces évaluations semblent difficiles à planifier pour une multitude de raisons pas toujours très claires. Il était alors question d'une réévaluation durant l'année 2024, au cours des mois de mars, de juin ou d'octobre.
La date, un temps fixée pour le printemps 2025, a été reportée récemment au profit de la réévaluation d'autres substances. C'est ainsi que des produits liés à l'essence notamment seront discutés du 25 février au 4 mars 2025.
La plus récente information du CIRC laisse entrevoir que l'évaluation des radiofréquences pourrait être agendée en 2026, par exemple en juin ou en novembre, mais aussi dans un terme encore plus lointain. Des discussions ont lieu en ce moment. Pendant ce temps, les technologies radio continuent d'envahir nos espaces.
* Voir «Justification»; «Tableau 1, priorités élevées»; «radiofréquences». En 2019, le groupe consultatif déclarait: «Il est conseillé de procéder au cours de la deuxième moitié de la période de cinq ans».

Plus de transparence sur les émetteurs de téléphonie mobile

21 mars 2024 (mis à jour le 21 mai [note en bas d'article]) | Il aura fallu deux ans à Monsieur Valentin Tombez de la Radio télévision suisse (intimé) pour obtenir de l’Office fédéral de la communication (OFCOM) un accès à la base de données des antennes des émetteurs de téléphonie mobile des trois opérateurs, au nom du principe de transparence.
Tout a commencé le 3 mars 2021. Valentin Tombez a adressé une demande à propos des antennes de technologie 5G. L’autorité s’est adressée aux trois opérateurs, Sunrise GmbH, Salt Mobile SA et Swisscom (Suisse) SA (les recourantes) en leur offrant de prendre position au sujet des données qui pourraient être transmises. Par exemple le nom de la station, ses coordonnées, ses fréquences, sa puissance, l’azimut des faisceaux radio, les diagrammes d’antennes, la hauteur des antennes et l’altitude de la station. Détails ci-contre.
Les trois opérateurs ont pris position. S’en est suivi une procédure de médiation devant le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) qui a recommandé à l’autorité inférieure d’accorder l’accès aux informations contenues dans les colonnes A et F à R de la base de données des antennes 5G, comme le demandait l’intimé.
L’autorité inférieure a accordé à l’intimé l’accès à un extrait des données d’exploitation de la banque de données, le contenu des colonnes A et F à R à l’état de mars 2021 pour la technologie 5G.
Après environ un an de procédure, en février 2022, les recourantes ont déposé un recours commun en vue de faire annuler la décision et d’obtenir un refus de divulgation des données.
S’en sont suivi différents échanges qui ont mené la procédure devant le Tribunal administratif fédéral. Qui s’est prononcé.
Les opérateurs ont contesté l’intérêt public à connaître les données des émetteurs
Pour tenter de faire annuler la décision, les recourantes ont largement argumenté.
D’abord que la divulgation des données d’exploitation de la banque de données des antennes serait contraire au sens et au but de la loi du 17 décembre 2004 sur la transparence (LTrans, RS 152.3). Elles ont également contesté un intérêt public. Elles ont fait valoir que la publication des données compromettrait la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.
Et déclaré que «certains sites de téléphonie mobile auraient fait l’objet d’importants actes de vandalisme et de dégradation», et que la divulgation de toutes les données de localisation permettrait des attaques coordonnées à grande échelle. Elles ont évoqué les secrets d’affaires et déclaré que des concurrents pourraient entraver l’extension prévue du réseau au moyen de leur propre planification au moment de l’attribution des concessions. Et même que la divulgation de «données personnelles de tiers sont également concernées, notamment celles des propriétaires des sites, qui doivent s’attendre à des hostilités et à des actes de vandalisme supplémentaires».
La population a un grand besoin d’informations sur la technologie 5G
Le Tribunal administratif fédéral a estimé que la population a un grand besoin d’informations sur la technologie 5G qui suscite des questions et des craintes chez de nombreuses personnes depuis son introduction.
Il a rappelé que le besoin de plus de transparence et d’information est également reconnu par le Conseil fédéral et le Parlement, citant la réponse du Conseil fédéral du 26 mai 2021 à la question 21.1020 (les liens ouvrent un nouvel onglet) et la motion 20.3237 «Réseau de téléphonie mobile. Créer dès maintenant les conditions-cadres pour un déploiement rapide».
Il a relevé qu’une politique d’information transparente permet de contrer les craintes de la population à l’égard de la nouvelle technologie et de favoriser son acceptation, ce qui est dans l’intérêt des recourantes.
Les recours des opérateurs visant à empêcher l’intimé à avoir accès aux extraits de la banque de données des antennes est devenu ainsi sans objet et s’est vu rejeté. Les recourantes ont supporté les frais de la procédure et doivent allouer une indemnité à l’intimé. Les opérateurs n’ont pas déposé de recours auprès du Tribunal fédéral dans le délai prescrit.
Lundi 18 mars, j’ai demandé à recevoir le jeu complet et actuel des antennes de téléphonie mobile de tous les opérateurs. Je n’ai pas encore reçu de réponse ni d’accusé de réception.
Note du 5 avril: après quelques échanges de courriels, l'OFCOM m'a répondu qu'ils allaient consulter les opérateurs de téléphonie mobile en tant que tiers concernés et leur donner l'occasion de prendre position par rapport à ma demande.
Note du 21 mai: l'OFCOM m'a répondu comme suit le 17 mai: «Les opérateurs de téléphonie mobile estiment que les secrets commerciaux et la sécurité de leur infrastructure critique sont touchés et s'opposent donc, dans leur prise de position, à ce que les données souhaitées soient rendues accessibles. Ceci contrairement à l'avis de l'OFCOM qui se prononce en faveur d'une mise à disposition des données souhaitées». Pourtant, ma demande ne provoque aucune nouvelle donnée publique ni divulgation de secret d'affaires. À suivre.
Articles en lien ci-dessous (de nouveaux onglets sont ouverts).

Quand un service cantonal des rayonnements veut induire la justice en erreur

26 février 2024 | Avant d’exploiter un émetteur de téléphonie mobile, l’opérateur est tenu de démontrer que deux limites différentes de l’ordonnance sur la protection contre les rayonnements non ionisants (ORNI) ne seront pas dépassées: la valeur limite d’immissions (VLI) et la valeur limite de l’installation (VLInst). Fixée en fonction de la fréquence, la première vaut environ 50 V/m et la seconde environ 5 V/m. Il ne sera pas question ici de la valeur limite de l’installation.
La valeur limite d’immissions doit être respectée partout où des personnes peuvent séjourner. On relie la valeur limite d’immissions au lieu de séjour momentané. Autour d’un émetteur, il existe un lieu le plus exposé. La constructrice doit calculer où se situe le lieu de séjour momentané le plus exposé, et s’assurer que la VLI d’environ 50 V/m ne sera pas dépassée. Le lieu de séjour momentané le plus exposé se trouve autour des antennes.
Pour cet article, des informations qui permettraient d’identifier la mise à l'enquête dont il est question sont tenues cachées car l’affaire est en cours. Il m’a semblé judicieux cependant de vous communiquer certains faits.
L’installation des antennes est prévue sur un toit plat. Elles seraient montées sur des mâts courts de sorte que les panneaux d’antenne seraient à peine plus hauts que la tête. La constructrice n’a pas prévu de clôture autour des antennes. Du personnel doit se rendre de temps en temps sur le toit pour entretenir des éléments propres au bâtiment.
Des antennes basses, mais pas de clôture sur une zone d’accès
Non seulement il serait possible de se tenir en face des panneaux d’antennes, mais de fait, dans le cadre de l’entretien d’équipements du bâtiment, des ouvriers devraient se tenir devant les antennes dans la direction principale de propagation du rayonnement. Donc, ils seraient exposés au rayonnement le plus intense qui soit.
Dans sa fiche, la constructrice a indiqué une VLI aux environs de 10 V/m, pour une limite à 50 V/m. Cependant, le point de calcul retenu se situe à l’arrière de deux antennes et latéralement à une autre où, selon les diagrammes, l’atténuation des ondes est la plus élevée.
J’ai été mandaté pour examiner la fiche. Dans mon analyse, j’ai contesté le choix du lieu de séjour momentané retenu par la constructrice situé dans une zone à forte atténuation du signal radio. J’ai contesté aussi l'intensité de la VLI calculée, disant qu’il serait possible de se trouver directement dans le faisceau radio, dans un champ électrique beaucoup plus élevé. J’ai contesté d’autres données que nous n’allons pas aborder, et j’ai fourni des calculs.
Puisque le service cantonal des rayonnements a validé la fiche de l’opérateur et par là même s’est porté garant de sa conformité à l’ORNI, et que je conteste cette conformité, le service cantonal des rayonnements a été entendu par le juge.
La personne représentant le service cantonal des rayonnements a affirmé au juge que le rayonnement électromagnétique ne serait pas plus élevé devant les antennes que là où il a été calculé par l’opérateur, et que même si tel était le cas, l’intensité serait encore inférieure à la VLI. Cette personne n’a remis aucun calcul au juge permettant de justifier son affirmation.
Par ailleurs, la personne a déclaré que son service n’effectue pas de nouveaux calculs, d’où il ressort que ce service cantonal des rayonnements ne confronte pas les données de la fiche avec d’autres lieux potentiellement plus exposés.
Le triple de la valeur limite d’immissions sur des zones d’entretien
Cette audition en justice a révélé deux choses. La première, que le représentant de l’instance cantonale s’est rallié à l’opinion de la constructrice sur la prétendue conformité de la fiche quant à l'intensité de la VLI et quant au choix du lieu le plus exposé. La seconde, qu’il ne voulait pas remettre en question le préavis positif de son service.
Devant la mauvaise fois manifeste du représentant de ce service cantonal, les calculs de rayonnement devant les antennes ont été déposés en justice. Ils montrent que l’intensité où le personnel affecté à l’entretien d’équipements de l’immeuble devrait se tenir vaut le triple de valeur limite d’immissions. L’exposition à de telles intensités présente des dangers pour la santé.
De mon point de vue, l’audition a révélé que ce service cantonal des rayonnements n’use pas de méthodes permettant d’obtenir ce qui est attendu de l’expertise d’un service cantonal spécialisé. En particulier, il ne montre pas un processus d’analyse standardisé et robuste. Ce service cantonal n’obtient pas ses valeurs prévisionnelles en les calculant selon les méthodes prescrites par les directives qui font foi, mais procède à des déductions au jugé qui l’ont mené à autoriser une configuration dangereuse.
Il y a un problème si l’autorité de contrôle refuse de voir une situation à l’évidence dangereuse
Nous faisons face à un problème sérieux. Acte un: l’opérateur de téléphonie mobile choisit de façon volontaire l’omission de moyens de sécurité (clôture) destinés à lutter contre les dangers scientifiquement prouvés et acceptés du rayonnement. Acte deux: l’instance de contrôle ne remarque pas un dépassement massif de la VLI, facile à déceler, au moment du dépôt de la fiche. Acte trois: pire encore, dûment alertée du fait par un avis scientifique durant le processus de mise à l’enquête, l’instance de contrôle maintient son préavis positif et nie le dépassement de l’intensité à un juge.
En conséquence de quoi il a été indiqué au juge que les préavis positifs concernant les fiches de données spécifiques au site des stations de base de téléphone mobile délivrées dans le canton où se produit cette affaire sont prononcés à partir d’éléments qui ne sont pas nécessairement représentatifs et que leur valeur scientifique est ténue.
Affaire à suivre.
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Élaboration d’un plan d’affectation communal: l’opérateur perd son recours

31 janvier 2024 | Une commune peut-elle refuser un permis de construire demandé par un opérateur de téléphonie mobile en se prévalant de la préparation d'un plan d’affectation communal en phase d’élaboration et ainsi non encore soumis à l’enquête publique et que le projet d’antenne compromettrait la modification de plan envisagée?
C’est à cette question que la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a dû répondre.
Comme instruments possibles de planification des emplacements, le Tribunal fédéral a évoqué à diverses reprises la «planification négative», la «planification positive» et une réglementation à propos de l’évaluation des emplacements. Le concept définit donc des emplacements dans lesquels les installations de téléphonie mobile sont en principe interdites, des zones dans lesquelles elles sont en principe autorisées ou dans lesquelles elles dépendent d’une pesée d’intérêts ou d’autres conditions spéciales.
C’est presque l’unique possibilité pour une commune d’agir sur les lieux où seraient installées les antennes des stations de base, à la condition que le canton n’ait pas utilisé cet instrument et qu’il laisse une marge de manœuvre au droit communal. Pour une raison que je trouve étonnante, très peu de communes ne créent de planification ayant une capacité à influer sur les antennes, si bien que leur emplacement est à chaque fois décidé par les opérateurs.
Le tribunal fédéral dit en substance que si les objectifs du droit des télécommunications sont respectés, il est en principe possible de fixer des dispositions d’aménagement local servant des intérêts autres que ceux du droit environnemental, par exemple la préservation du caractère ou de la qualité d’habitat d’un quartier. Les antennes de téléphonie mobile peuvent rendre plus difficile la vente ou la location de certains immeubles et appartements et entraîner une pression sur le prix de vente ou le loyer. Ainsi, des prescriptions visant à réduire ou à canaliser les immissions de nature immatérielle dues à des installations de téléphonie mobile semblent possibles (ATF 133 II 321 [Günsberg], cons. 4.3.4).
Des prescriptions d’ordre esthétique ont donc de bonnes chances d’aboutir lorsqu’elles ne s’appliquent pas seulement aux installations de téléphonie mobile, mais s’intègrent dans une politique cohérente.
Venons-en à notre affaire.
Autoriser l'installation compromettrait la planification communale en cours
En 2020, une demande de permis de construire a été demandée pour une station de base de téléphonie mobile sur le territoire de la commune de C. Le projet a été mis à l’enquête publique l’année suivante et a suscité plusieurs oppositions. Selon la Centrale des autorisations en matière de construction, le projet aurait respecté les exigences de l’ordonnance du 23 décembre 1999 sur la protection contre le rayonnement non ionisant.
En 2023, la municipalité de C. a refusé de délivrer le permis de construire en se prévalant de son futur plan d’affectation communal, en phase d’élaboration. Son projet prévoit une planification négative des antennes de téléphonie aux alentours des lieux très densément habités et des écoles. La municipalité a proposé d’organiser une séance avec toutes les parties concernées afin de déterminer un autre emplacement plus adéquat. L’opérateur a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal. La commune a répondu par son dossier et a conclu au rejet du recours.
Les arguments faisaient notamment référence à l’article 47 de la Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC, 700.11; ci-contre) qui dit en substance sous chiffre 1: «La municipalité peut refuser un permis de construire lorsqu’un projet de construction, bien que conforme, compromet une modification de plan envisagée, non encore soumise à l’enquête publique».* Cette disposition laisse une grande latitude de jugement et un pouvoir d’appréciation important à la municipalité, par exemple de délivrer le permis de construire alors même que le projet serait contraire à la réglementation future envisagée.
En l'état, le plan d’affectation communal laisse apparaître que l’installation litigieuse prévue à proximité d’une école pourrait se trouver à un emplacement où les antennes de téléphonie seraient prohibées. La délivrance du permis de construire serait dès lors de nature à compromettre la planification communale non encore soumise à l’enquête. Même si la planification n’est pas encore achevée –et que par conséquent l’étendue concrète de la planification négative n’est pas connue–, le tribunal a admis que la municipalité pouvait faire usage de l’art. 47 LATC.
Il a indiqué aussi qu’il est en principe possible que la planification locale édicte des prescriptions qui poursuivent d’autres intérêts que ceux de la protection de I'environnement tel que la préservation du caractère d’un quartier ou de la qualité de son habitat. Le tribunal a également rappelé que la commune a fait état de quatre emplacements alternatifs, deux étant proches du site initialement choisi.
Le tribunal a jugé le 30 janvier 2024 que la municipalité n’a pas violé le droit supérieur en examinant la possibilité de prévoir une planification négative dans sa zone à bâtir et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en invoquant l’art. 47 LATC pour refuser l’autorisation de construire litigieuse. Débouté, l’opérateur est condamné au paiement d’un émolument, d’une indemnité de dépens en faveur de la commune et d’une autre indemnité de dépens en faveur des opposants. Il peut faire recours au Tribunal fédéral. Ses chances de l’emporter seraient toutefois très minces.
* ATF 1C_197/2009 du 28 août 2009 consid.5.1
Article en lien ci-dessous (de nouveaux onglets sont ouverts).

Arrêter les recherches pour ne pas savoir si le rayonnement des téléphones mobiles a un impact biologique

25 janvier 2024 | Le National Toxicology Program (NTP) est le premier laboratoire gouvernemental américain à effectuer des essais sur les produits pharmaceutiques, les substances chimiques et les rayonnements. C'est le seul organisme fédéral qui effectue des programmes de recherche sur les rayonnements.
Revenons en arrière. En 2016, les chercheurs du National Toxicology Program (NTP) étaient prêts à publier les résultats de leurs recherches sur l’exposition d'animaux aux rayonnements de téléphonie mobile 2G et 3G. L’étude avait commencé environ huit ans plus tôt et son budget avoisinait les 30 millions de dollars.
C’est alors que l’industrie des télécommunications a insisté —le mot est faible— pour que les conclusions de l’étude soient examinées avec une extrême minutie, à un point qui n’avait jamais été atteint auparavant.
Devra Davis, Ph. D., MPH, est une toxicologue et épidémiologiste qui a siégé au Conseil scientifique du NTP lors de son lancement dans les années 1980. Elle a écrit ou coécrit plus de 200 articles évalués par des pairs qui ont paru dans des revues comme The Lancet ou encore le Journal of the American Medical Association. Elle a déclaré «aucun autre composé ou substance [étudié par le NTP] n’a jamais fait l’objet d’un tel examen par les pairs».
Finalement, un groupe d’experts s’est réuni trois en jours en mars 2018 pour examiner l’étude et ses conclusions. Ils ont conclu que les preuves étaient si solides qu’ils ont recommandé au NTP de reclasser un niveau de preuve d’activité cancérogène de «certaines preuves» à «preuves évidentes».
Le rapport du NTP dit qu’il existe une «preuve claire d’une association avec des tumeurs dans le cœur de rats mâles» (schwannomes malins) lorsqu’ils étaient exposés à des niveaux de rayonnement radio similaires à ceux émis par les téléphones cellulaires 2G et 3G, «quelques preuves d’une association avec des tumeurs dans le cerveau de rats mâles» (gliomes malins) et «quelques signes d’association avec des tumeurs dans les glandes surrénales de rats mâles».
Dans un suivi, le NTP a précisé que l'exposition était liée à une augmentation significative des dommages à l'ADN dans le cortex frontal du cerveau et dans l'hippocampe de souris mâles, et dans les cellules sanguines de souris femelles. De nombreux facteurs influençant les conséquences d'un dommage à l'ADN et notamment le risque de tumeur, le NTP avait prévu d'autres études.
Les résultats du NTP ne sont pas assimilables aux technologies 4G ou 5G.
Pour être précis, l'intensité du rayonnement était comprise entre 1,5 et 6 watts par kilogramme de poids corporel chez les rats et de 2,5 à 10 watts par kilogramme chez les souris.
Le 89 % des téléphones mobiles testés en conditions réelles en 2015  dépassait la limite légale de DAS de 2 W/kg. Un quart d’entre eux dépassait 4 W/kg. Quelques modèles atteignaient 7 W/kg. À l'heure où j'écris ces lignes, la puissance de plusieurs dizaines de modèles dépasse les limites européennes. Malgré cette situation anormale, le Conseil fédéral a indiqué en décembre 2023 ne pas vouloir faire contrôler la puissance des téléphones mobiles.
En février 2023, Devra Davis et ses collègues ont publié une analyse de plus de 200 études établissant un lien entre l’exposition au rayonnement d’appareils sans fil et des effets biologiques négatifs. Parmi ceux-ci, le stress oxydatif et les lésions de l’ADN, la cancérogénicité, la cardiomyopathie, les lésions du sperme, les lésions de la mémoire et d’autres effets neurologiques.
Le NTP poursuivait quatre programmes de recherche liés aux rayonnements :
  • sur le comportement et le stress,
  • une surveillance physiologique dont l’évaluation de la fréquence cardiaque,
  • sur la participation éventuelle de l’échauffement aux effets,
  • le risque de dommages à l’ADN.
Annonce que le NTP renonce à poursuivre ses travaux sur les rayonnements
En janvier 2024, les chercheurs expérimentaient un nouveau système d’exposition in vivo pour des études avec des rongeurs. C’est alors que le NTP a mis à jour une fiche d’information disant qu’il renonce à poursuivre ses travaux parce que «la recherche était techniquement difficile et nécessitait plus de ressources que prévu». Un acte incompréhensible entraîné par la décision du gouvernement américain de mettre un terme au financement des recherches sur les risques du rayonnement des téléphones mobiles.
Les arguments avancés par une agence gouvernementale selon lesquels il peut faire des économies parce que les travaux sur des équipements employés au quotidien par des centaines de millions de personnes sont «techniquement difficiles» et «gourmands en ressources» ne constituent pas une décision responsable.
Il faut comprendre que le gouvernement américain n’entend pas chercher à protéger sa population contre les effets éventuels des rayonnements provenant d’équipements 5G, alors qu’il existe par exemple de plus en plus de preuves de liens entre l’exposition provoquée par le smartphone dans la poche et la baisse de la fertilité masculine.
Le NTP n’a rien indiqué de ce qu'il adviendrait des recherches en cours.
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