téléphonie mobile et rayonnement, le rapport du groupe mandaté par le DETEC - Pierre Dubochet

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Le groupe de travail Téléphonie mobile et rayonnement a présenté son rapport le 28 novembre

La formulation de certains paragraphes du chapitre 6 «Effets sur la santé» remet en question soixante ans d’études. Elle est destinée à altérer les discussions et les décisions à venir. Opinions, concepts biaisés, théories fausses ou dissimulation d’études prouvant un phénomène caractérisent plusieurs paragraphes de ce chapitre, à l’évidence influencés significativement par des intérêts secondaires.

© Pierre Dubochet, ing. radio
toxicologie des RNI
29 novembre 2019
mis à jour le 22 décembre 2019
Téléphonie mobile et rayonnement: des pages tendancieuses
Lecture : 7 min 20 | 2210 mots
Télécharger le Rapport Téléphonie mobile et rayonnement (PDF- 132 pages)
J’ai lu attentivement ce rapport. La formulation de certains paragraphes du chapitre 6 «Effets sur la santé» remet en question soixante ans d’études. Elle est destinée à altérer les discussions et les décisions à venir.
Opinions, concepts biaisés, théories fausses ou dissimulation d’études prouvant un phénomène caractérisent plusieurs paragraphes de ce chapitre, à l’évidence influencés significativement par des intérêts secondaires.
Plusieurs paragraphes du chapitre 5 «Liens entre émissions, immissions et exposition» minimisent l’exposition future, défendent des concepts contraires aux mesurages sur le terrain, font des affirmations biaisées ou des généralisations abusives.
Enfin, les auteurs n’abordent pas l’exposition aux rayonnements des objets connectés, qui représente de nombreuses inconnues.
J’ai commencé à étudier de façon scientifique les effets des rayonnements non ionisants (RNI) sur l’homme il y a dix ans. Le fait d’être devenu intolérant au RNI parce que j’ai été exposé à des rayonnements à mon insu me donne un immense avantage pour comprendre les phénomènes et pour m’opposer efficacement aux théories fausses sur le sujet.
Je suis particulièrement bien placé pour communiquer sur la pollution environnementale de la 5G. Puisque l’électrosmog nous concerne tous, il est essentiel qu’une information correcte soit disponible.
En toute indépendance, je donne des conférences, des cours à la Haute école la Source (chaque lien ouvre un nouvel onglet) à Lausanne, les journalistes me donnent l’occasion d’apparaître dans les médias (Temps Présent, Mise au point, le Téléjournal, Infrarouge, 36,9 à la télévision suisse, etc.) et je publie le fruit de mes recherches sur mon site internet. Je subviens à mes besoins exclusivement grâce aux expertises pour mes clients.
«Les intérêts de Swisscom sont sauvegardés par le Conseil fédéral»
(Objectifs stratégiques assignés à Swisscom SA par le Conseil fédéral de 2018 à 2021)
Avant de commencer, il semble nécessaire d’évoquer la notion de conflit d’intérêts. Le conflit d’intérêts apparaît notamment quand un groupe de personnes ayant des responsabilités doit procéder à des choix conflictuels.
C’était à l’évidence le cas lorsque la majorité des membres du groupe Téléphonie mobile et rayonnement ayant pour mandat d’édicter des recommandations pour la gestion d’un risque sanitaire est en même temps salariée d’employeurs dont le développement économique augmente ce risque.
La majorité des membres du groupe de travail est salariée par l’actionnaire majoritaire de Swisscom, la Confédération (METAS, OFCOM, ComCom, OFEV, OFPP, OFSP, BERENIS, etc.) ou par une société souvent directement liée à la téléphonie mobile (Azut, Swisscom, Salt, Sunrise, CCE, etc.).
La Confédération ne s’en cache pas: «le Conseil fédéral définit tous les quatre ans les objectifs que la Confédération se propose d’atteindre en tant qu’actionnaire majoritaire de l’entreprise» (lien sous le titre ci-dessus). Un des objectifs majeurs de Swisscom est de «maintenir la position de leader sur le marché national de la connectivité».
Les conflits d’intérêts sont aveuglants.
L’employé a un devoir de fidélité, de diligence et de confidentialité. L’employé s’oblige à sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur selon les règles de la bonne foi et s’empêche de lui causer un préjudice.
Lui demander de se prononcer sur un risque sanitaire —donc potentiellement de défendre les intérêts de tiers— amènerait l’employé à trahir la confiance que son employeur place en lui, confiance qui est un des éléments essentiels du contrat de travail.
Représenter des avis contradictoires est incompatible avec la neutralité indispensable à la bonne exécution du mandat. En pareille circonstance, il reste l’alternative suivante: introduire dans le groupe un nombre de membres similaires sans conflit d’intérêts, ou mobiliser un dispositif d’éthique efficace.
Le DETEC a écarté ces deux options.

«La majorité des membres du groupe de travail est salariée par l’actionnaire majoritaire de Swisscom, la Confédération ou par une société souvent directement liée à la téléphonie mobile.»

Publication du rapport Téléphonie mobile et rayonnement
Le groupe de travail Téléphonie mobile et rayonnement a publié le rapport du même nom sur mandat du DETEC le 28 novembre.
Le Conseil fédéral ne s’est actuellement pas prononcé au sujet de ce rapport. Cependant, plusieurs cantons ont interpellé Madame la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, cheffe du DETEC, afin que les conclusions des expertises fédérales soient disponibles au plus vite.
La rédaction d’un certain nombre de paragraphes du chapitre 6 consacré aux effets sur la santé est faite de telle manière qu’il n’est pas possible de vérifier leur capacité à répondre aux faits.
Pour quelle raison de nombreuses références d’études sont-elles dissimulées?
Le contenu de neuf paragraphes sur douze sous chiffre 6.6 est invérifiable. On ne peut ni corroborer le point de vue des auteurs ni le réfuter. Cela n’est ni conforme à la science ni conforme à l’éthique.

«Demander à un employé de se prononcer sur un risque sanitaire de son employeur —donc potentiellement de défendre les intérêts de tiers— amènerait l’employé à trahir la confiance que son employeur place en lui, confiance qui est un des éléments essentiels du contrat de travail.»

Les hypothèses sur la santé sont invérifiables
Exemple avec le paragraphe ci-dessous. Le texte original du rapport est sur fond vert. Mes ajouts sont en rouge.
«Tumeurs causées par l’utilisation du téléphone mobile sur une longue durée. Concernant les tumeurs cérébrales malignes, les résultats des nouvelles études épidémiologiques (lesquelles ?) sont hétérogènes (n’en déplaise aux auteurs, c’est un constat conforme considérant l’immense variabilité des déterminants physiologiques et environnementaux).
Une étude de cohorte prospective (laquelle ?) a révélé une corrélation négative entre utilisation du téléphone mobile et gliome, tandis que deux études cas-témoins (lesquelles ?) ont fait état d’un risque accru pour les utilisateurs extrêmes.
Les risques mis en évidence par les deux études cas-témoins sont d’une telle ampleur qu’ils devraient forcément se traduire par une augmentation des tumeurs cérébrales (faux ! Un risque qui se réalise statistiquement en trente ans peut ne pas se voir après dix ans par exemple).
L’évolution des taux de morbidité a donc été analysée dans plusieurs pays. Les études menées (lesquelles ?) n’ont cependant trouvé aucun élément montrant que l’incidence des tumeurs augmentait, compte tenu d’un certain décalage (combien d’années ? Introduction d'un biais possible) dans le temps, une fois que la majorité de la population de ces pays avait commencé à utiliser des téléphones mobiles.
Cela suggère que, au moins dans certaines études cas-témoins (les résultats qui ne vont pas dans le sens du point de vue des auteurs sont dès lors éludés), la forte augmentation des risques observés est sans doute due à une question de méthodologie (malgré qu’il ne propose qu’une pure spéculation, le groupe se pose en tant de garant de la pertinence de protocoles de recherche et laisse entendre que ses compétences éclipseraient celles des auteurs et celles des pairs qui évaluent les études avant publication) et que la durée d’utilisation du téléphone mobile par les patients atteints de tumeurs cérébrales a systématiquement été surestimée par rapport à celle des témoins sains» (la dernière phrase peut exprimer que les patients atteints de tumeurs cérébrales n’ont pas beaucoup plus téléphoné que les patients sains. Ce qui élève le risque.)
Cliquez pour ouvrir l'extrait du PDF original.
Dissimuler les références des études commentées apparaît comme très insolite dans un chapitre intitulé «Évaluation du niveau de preuve à l’aide des nouvelles études»!
Dans l’espace scientifique, les savoirs sont l’objet d’interactions, rendues volontairement impossibles ici. Si les auteurs ont choisi d’être aussi évasifs, c’est qu’ils ont des secrets à préserver. Il est dans l’intérêt public de découvrir ce que cachent les auteurs de ce rapport.

«Dissimuler les références des études commentées apparaît comme très insolite dans un chapitre intitulé 'Évaluation du niveau de preuve à l’aide des nouvelles études'!»

Les résultats des études ne sont «pas homogènes»? Évidemment!
À cette façon d’écrire suspecte s'ajoutent des commentaires visant à minimiser le risque montré par des études. Ainsi, le groupe de travail écrit cinq fois que les résultats des études ne sont «pas homogènes» et deux fois que les études ne fournissent aucune «image cohérente».
L’interaction de l’homme avec l’environnement engendre constamment des ajustements du métabolisme d’une infinie diversité, variables d’un individu à l’autre. Ces ajustements entraînent un degré d’incertitude incompatible avec la reproductibilité chère à la preuve scientifique.
Considérant l’immense variabilité des déterminants physiologiques et environnementaux, il est admis que des expositions de l’organisme humain (ou de fragments) à des rayonnements hétérogènes produisent majoritairement des résultats diversifiés, et non des résultats homogènes ou des images cohérentes.
Qu’un ingénieur dans un domaine technique fasse une telle méprise peut se comprendre. Mais que tous ces docteurs inclus dans le sous-groupe Répercussions sur la santé fassent abstraction d’une telle évidence ne peut qu’interpeller.
Ces propos sont destinés à minimiser l’importance d’études qui montrent un risque.
Des limites méthodologiques, vraiment ?
En prétendant quatre fois que des études qui montrent un risque souffrent de «limites méthodologiques», le groupe de travail prétend éclipser les compétences des chercheurs et celles des pairs qui évaluent les études avant publication.
Manifestement il n’en a pas la compétence, comme le montre l’absence d’argument. Le groupe se plaît simplement à imaginer une hypothèse: «la forte augmentation des risques observés est sans doute due à une question de méthodologie».
Cette hypothèse fantaisiste sert elle aussi à minimiser l’importance d’une étude qui montre un risque. L’acte scientifique doit comporter des analyses et des explications à chaque fait exposé. Rien de tel ici.
L’intolérance aux rayonnements non ionisants
L’intolérance aux rayonnements (souvent amalgamée avec l’électrohypersensibilité, EHS) est scientifiquement complexe à appréhender. Cependant, elle est largement démontrée depuis les années 1930.
Ici, elle est écartée en un paragraphe, dont sont issus ces quelques mots: «ce qui tend à indiquer qu’il n’y en a simplement pas (éléments de preuve suggérant une absence d’effet)». Le groupe de travail confond absence d’une démonstration du risque avec démonstration de l’absence du risque.
L’exposition aux rayonnements étant cumulative, la prolifération d’émetteurs, spécialement d’objets connectés proches du corps risque d’augmenter significativement le nombre de sujets intolérants aux rayonnements.
En extrapolant une enquête de l’OFEFP qui montre qu’environ 5% des personnes interrogées se déclaraient intolérants aux rayonnements en 2004, 370'000 sujets seraient concernés à l’échelle nationale à cette période.
Les symptômes les plus communs sont les troubles du sommeil (43%), les maux de tête (34%) et les difficultés de concentration (10%). Au total, environ 55 symptômes sont rapportés.
Une étude s’est intéressée aux personnes qui attribuent des problèmes de santé à des pollutions environnementales. Le 40% des participants soupçonnaient les rayonnements. L’équipe interdisciplinaire les a examinés d’un point de vue médical, psychologique, psychiatrique et environnemental.
Une condition était que, pour les hautes fréquences, les participants passent plusieurs heures par jour là où le RNI dépasse 1'000 µW/m2 (0,6 V/m). Conclusion: pour 32% des participants, une association entre au moins un symptôme et l’exposition aux rayonnements a été jugée plausible. (Prax et coll. 2005).
Cela signifie qu’environ 80% des personnes qui soupçonnent que leurs troubles viennent de l'électrosmog ont raison. Sur les 370'000 sujets extrapolés plus haut, 296'000 étaient dans le vrai en 2004, alors que l'électrosmog s’est largement multiplié depuis, et continue sa progression quotidienne.
Cela signifie sans le moindre doute qu'une partie de la population est actuellement en souffrance. Et ce paragraphe du rapport incite à continuer à ignorer cette souffrance.
De nombreux professionnels de la santé et experts ont lancé des Appels nationaux et internationaux contre les rayonnements depuis l'an 2000.
'

«Environ 80% des personnes qui soupçonnent que leurs troubles viennent de l'électrosmog ont raison.»

Pour résumer : des paragraphes essentiels trompeurs qui altèrent les décisions à venir
Mon point de vue est que certains paragraphes du chapitre 5 «Liens entre émissions, immissions et exposition» minimisent l’exposition future, défendent des concepts contraires aux mesurages sur le terrain, font des affirmations biaisées et des généralisations abusives.
Les auteurs n’abordent pas l’aspect des objets connectés, qui vont augmenter notre exposition.
Certains paragraphes du chapitre 6 «Effets sur la santé» remettent en question soixante ans d’études. Opinions, concepts biaisés, théories fausses et dissimulation d’études prouvant un phénomène caractérisent plusieurs paragraphes de ce chapitre.
À maintes reprises, le groupe minimise les risques.
De trop nombreux passages de ce rapport Téléphonie mobile et rayonnement sont influencés par des intérêts secondaires. La dissimulation des références de nombreuses études ainsi que sa rédaction empêchent l’accès à la connaissance scientifique actuelle. En minimisant les risques, ce rapport altère les discussions et les décisions à venir.
Et maintenant ?
Le 25 novembre à 10h27 —trois jours avant la publication du rapport— Swisscom terminait sa Lettre aux communes et la tirait à 3’000 exemplaires à destination des communes de Suisse.
Le groupe de travail propose cinq option pour le déploiement de la 5G. Deux options laissent l’exposition à peu près identique à la situation actuelle, une l’augmente et deux autres options augmentent fortement l’exposition.
Dans sa Lettre aux communes, Swisscom quant à elle ne retient que les options qui augmentent plus ou moins fortement l’exposition.
Pour procéder à des choix éclairés pour notre avenir commun, et spécialement envers nos enfants friands du sans-fil, il est indispensable que les parties prenantes reçoivent rapidement des informations plus objectives.
Le coût lié aux contrats de service externes mandatés par l’OFEV pour la préparation du rapport Téléphonie mobile et rayonnement s'est monté à 282'000.- sans compter les heures mobilisées à l’interne, auprès des autorités des différentes parties prenantes.
De nombreux groupes appellent à la prudence. Le corps médical par les voix de la FMH et des Médecins en faveur de l’environnement. La raison d'être de deux manifestations nationales. De cinq initiatives. La naissance d’une pléthore d’associations régionales et d'une association nationale. Plusieurs pétitions, les deux principales (Marvin Grimm en cours, et Notburga Klett) approchant 110’000 signatures. Et 96,5% d’oppositions aux mises à l’enquête ces six derniers mois, par 50’000 opposants.
Le rapport du DETEC peut être téléchargé sur ma page de téléchargement des documents.
«Pour ou contre la 5G?» Contre ou plutôt contre à 60% en Suisse romande (Illustré 04.19). «Faut-il accélérer l’installation de la 5G?» Non ou plutôt non à 57% (Tamedia 06.19).
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